C’est quoi la majoration des intérêts ?
Lors de l’ouverture comptable et informatique d’un dossier, se pose la question du taux d’intérêt applicable aux condamnations. C’est aussi une question à connaître pour l’examen d’entrée et de sortie de commissaire de justice. Qu’est-ce que la majoration des intérêts ? À partir de quand faut-il majorer les intérêts ?
Qu’est-ce que la majoration du taux d’intérêt ?
Le législateur, pour “indemniser” l’attente du créancier jusqu’à ce qu’il récupère la somme qui lui est due, a fixé un taux d’intérêt mais également une majoration des intérêts, dans le cas où le débiteur mettrait du temps et tarderait à s’exécuter entièrement.
Tant que la somme n’est pas remboursée, le débiteur encourt la majoration du taux d’intérêt.
Photo Ricardo Gomez Angel
Un exemple chiffré de la majoration des intérêts
À l’étude de commissaire de justice, tu es chargé d’exécuter une décision de justice condamnant le débiteur à payer :
- 2000 euros (sans autres précisions)
- et 1000 euros au taux d’intérêt de 1,5%.
Quel taux d’intérêt appliquer à la somme de 2000 euros ci-dessus ?
L’article 1231-7 du Code civil dispose que “En toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l’absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n’en décide autrement.”
Autrement dit, une condamnation à une somme emporte intérêt dès la date de la décision de justice, sauf si le juge décide autre chose dans sa décision.
Dans notre exemple, la somme de 2000 euros porte donc intérêt au taux légal à partir de la date du jugement. Jusqu’ici, rien de trop difficile.
Mais ensuite ? Si le débiteur ne paye pas ou ne s’exécute pas, est-ce que le taux d’intérêt reste le même ?
La majoration de l’article L. 313-3 du Code monétaire et financier
L’article L. 313-3 du Code monétaire et financier dispose que : “En cas de condamnation pécuniaire par décision de justice, le taux de l’intérêt légal est majoré de cinq points à l’expiration d’un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fût-ce par provision. Cet effet est attaché de plein droit au jugement d’adjudication sur saisie immobilière, quatre mois après son prononcé.”
Depuis la réforme de la procédure civile entrée en vigueur au 1er janvier 2020, l’article 514 du Code de procédure civile dispose que “Les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.” Ainsi, ces décisions bénéficient de l’exécution provisoire dès leur prononcé (leur date).
Mais attention : dans un arrêt du 12 janvier 2023, la Cour de cassation a indiqué que “le taux majoré de l’intérêt légal ne court qu’à l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la signification de la décision.“
Voici un commentaire de cet arrêt sur Dalloz.
Donc tu connais la date à inscrire dans ton décompte ou dans ton logiciel à l’étude.
Concrètement, si tu dois détailler un décompte ou vérifier le travail de ton logiciel pro, comment se passe ce calcul ?
Exemple : la décision de justice date du 4 avril 2023. Elle a été signifiée le 5 avril 2023.
Si le débiteur n’a pas réglé sa condamnation, le taux d’intérêt de la somme (2000 euros dans notre exemple) est majoré de 5 points.
Autrement dit, du 5 avril 2023 au 5 juin 2023, le taux d’intérêt légal s’applique. Dans notre exemple, le taux d’intérêt est de 4,47%.
Puis du 6 juin 2023 jusqu’au parfait paiement, ce taux d’intérêt est majoré de 5 points.
Concrètement, il faut “ajouter 5” au taux d’intérêt, ce qui porte le taux à 9,47%.
Attention : le taux d’intérêt change lorsqu’un nouveau décret modifie le taux d’intérêt. Les logiciels professionnels sont paramétrés pour cela, mais je préfère “enfoncer les portes ouvertes” et le dire noir sur blanc pour que tu comprennes bien le calcul, si un débiteur ou si un créancier te demande à l’étude.
Avec ce sytème, il y a de quoi convaincre le débiteur de s’exécuter au plus tôt…! Cela peut également être un argument de négociation pour solder un dossier : éviter que les intérêts ne s’accumulent.
Différentes règles de majoration des intérêts : attention à la date de la décision de justice
J’attire ton attention sur la date de la décision de justice : la note sous l’article 514 du Code de procédure civile indique que ces dispositions s’appliquent aux instances introduites devant les juridictions du premier degré à compter du 1er janvier 2020 (conformément au II de l’article 55 du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019).
Comment cela se passe pour les décisions dont les instances ont été introduites avant cette date ?
Il faut faire une lecture combinée des articles 501 et 500 du Code de procédure civile, et vérifier à quelle date la décision est entrée en force de chose jugée. Autrement dit, à quelle date la décision n’était-elle plus susceptible d’aucun recours suspensif d’exécution ? (Article 500 du Code de procédure civile)
Est-il possible d’être exonéré de la majoration des intérêts ?
L’alinéa 2 de l’article L. 313-3 du Code monétaire et financier rappelle que “Toutefois, le juge de l’exécution peut, à la demande du débiteur ou du créancier, et en considération de la situation du débiteur, exonérer celui-ci de cette majoration ou en réduire le montant.”
N’oublie pas non plus l’aspect conventionnel des négociations : il peut être dans l’intérêt du créancier de renoncer à une partie des intérêts, si le débiteur offre de solder le dossier.
Il nous appartient de transmettre une telle proposition au créancier dans les meilleurs délais, compte-tenu de notre obligation d’information et de notre devoir de conseil.
Merci à J, membre du Bootcamp Réussite Examen Commissaire de Justice, la première communauté d’entraide pour réussir l’examen, de m’avoir posé cette question en session individuelle et d’avoir inspiré cet article !
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